Obésité : un facteur clé dans la prévention des AVC
Dans le cadre des Mardis de l'AVC, nous nous sommes entretenus avec le Dr Pascale Chasseur, Endocrinologue, Hôpital Erasme – H.U.B. pour parler du contrôle des facteurs de risque de l'AVC et, notamment, de l'obésité. Découvrez l'interview
Pierre, 58 ans, père de deux enfants et amateur de bonne cuisine, a fait un AVC il y a huit mois. Depuis, sa vie a radicalement changé.
« Je n’avais jamais été un grand sportif », dit-il avec un sourire un peu coupable. « Mais je ne pensais pas que mes kilos en trop me mettraient un jour en danger de mort. »
Suite à son hospitalisation à l’Hôpital Erasme, Pierre a été orienté vers le Dr Pascale Chasseur, endocrinologue spécialisée dans les facteurs de risque cardiovasculaire liés au métabolisme. Elle suit de nombreux patients comme lui, avec un objectif clair : prévenir la récidive.

Quels sont les facteurs à surveiller après un AVC ?
L’hypertension artérielle, le diabète, l’hypercholestérolémie, le tabagisme, l’inactivité physique, les apnées du sommeil, et bien sûr… l’obésité. Ce dernier facteur est central. Le risque d’AVC se majore linéairement avec le surpoids.
« Pour chaque unité de BMI (ndlr : Body Mass Index - Indice de Masse Corporelle IMC) supplémentaire (en partant d’une BMI de 20 kg/m2), le risque d’AVC augmente de 5%. Or, l’obésité est étroitement liée aux autres facteurs de risque : le tissu adipeux en excès, au niveau abdominal essentiellement favorise la résistance à l’insuline, l’hypertension, le diabète, l’hypercholestérolémie… menant à l’athérosclérose et donc… à l’AVC. Or une perte de poids de 5-10% permet de diminuer significativement l’impact de ces facteurs de risque », explique le Dr. Chasseur

Et concrètement, que peut faire un patient ?
Pour Pierre, le choc de l’AVC a été le déclic. « Au début, j’étais perdu. Je savais que je devais changer, mais je ne savais pas par où commencer. » C’est là qu’intervient l’équipe de l’hôpital.
Dr Chasseur : « On évalue d’abord l’obésité et ses comorbidités avec le patient, on l’informe, puis on le conseille et on l’accompagne. Il ne s’agit pas de le culpabiliser, mais de construire ensemble un plan réaliste. Cela passe par une approche pluridisciplinaire. »
À l’Hôpital Erasme, cela inclut :
- Un suivi diététique personnalisé, avec des conseils adaptés au mode de vie (ex : régime méditerranéen).
- Un accompagnement à l’activité physique qui aide à reprendre le sport en douceur.
- Un soutien médicamenteux, avec notamment les traitements de type GLP-1 (perte moyenne de 13 %-20% du poids 2 en 72 semaines, selon les études).
- Une évaluation pour la chirurgie bariatrique, si le patient est en obésité sévère (IMC > 35-40) avec comorbidités.

Perdre du poids, est-ce vraiment efficace pour lutter contre les AVC ?
Dr Chasseur : « Oui, même une perte modeste de 5 à 10 % du poids peut améliorer la glycémie, la tension artérielle, le cholestérol, les apnées du sommeil et donc réduire fortement le risque d’un nouvel AVC. On sait aujourd’hui que même dans les 48 heures après un AVC, un bon contrôle glycémique a un impact positif. »
Un parcours guidé, mais centré sur le patient
« Ce n’est pas juste "manger moins et bouger plus". C’est un combat global, qui demande du temps, de la bienveillance, et un soutien psychologique », rappelle le Dr Chasseur.
Pierre confirme : « Il m’a fallu accepter que j’avais besoin d’aide. C’est dur de se regarder dans le miroir. Mais j’ai été épaulé. Et surtout, je ne suis pas seul. »
Et à domicile, que peut-on faire pour contrôler le poids ?
Pierre a impliqué sa compagne dans ses efforts. « On a changé nos habitudes ensemble. On cuisine plus sainement, on marche tous les jours. Et surtout, on se motive à deux. »
Les aidants proches jouent un rôle crucial. Ils peuvent :
- Encourager la pratique d’activité physique à deux
- Adapter l’alimentation familiale
- Aider à suivre les bilans biologiques (suivi de la glycémie, de la tension, du cholestérol)
- Être des relais d’écoute, sans jugement
Dr. Chasseur : « Le rôle des aidants est crucial. Ils peuvent aider à motiver les proches à surveiller les indicateurs (poids, tension, glycémie), encourager la régularité des suivis, à consulter ensemble. L’enjeu, c’est aussi l’image de soi. Il faut déculpabiliser, restaurer la motivation, avec l’aide d’un psychologue. »
À retenir :
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« Il n’y a pas de petit pas. Il n’y a que des pas dans la bonne direction. »
Sources :
Kernan W.N et al., Obesity, a stubbornly obvious target for stroke prevention, Stroke, 2013; 44: 278-286
Aronne L.J et al., Tirzepatide as compared with semaglutide for the treatment of obesity, NEJM, May 2025, Surmount 5 trial