L’insuffisance cardiaque : une menace silencieuse, un dépistage précoce crucial
Le Prof. Jean-Luc Vachiery, le Prof. Ana Roussoulières et le Dr. Federica Valente – alertent sur l’urgence de mieux détecter cette maladie diagnostiquée encore trop tardivement.
L'insuffisance cardiaque : un mal insidieux, aux conséquences graves
Prof. Jean-Luc Vachiery : « L’insuffisance cardiaque n’est pas une maladie rare. On estime qu’elle touche près de 250.000 personnes en Belgique, soit l’équivalent de toute la population de Gand ! »
L’insuffisance cardiaque (IC) est un trouble complexe, lié à une incapacité du cœur à pomper efficacement le sang. Cela se traduit par des symptômes comme l’essoufflement, une fatigue excessive, des jambes gonflées ou encore une accumulation d’eau dans les poumons. Il existe plusieurs formes, selon la capacité de contraction du cœur – une distinction importante pour adapter les traitements.
Prof. Ana Roussoulières : « Cette maladie chronique évolue souvent de manière silencieuse. Les signes ne sont pas toujours alarmants au début, mais le risque devient vite majeur : près d’un patient sur deux décède dans les cinq ans suivant le diagnostic. »
Outre les infarctus ou maladies héréditaires, des facteurs de mode de vie comme la sédentarité, l’obésité ou le diabète jouent un rôle croissant dans la progression de la maladie. Et avec le vieillissement de la population, le nombre de cas ne cesse d’augmenter.

Le NT-proBNP, un test simple mais encore trop méconnu
Heureusement, un outil permet aujourd’hui de détecter précocement l’IC : le dosage du NT-proBNP, un biomarqueur sanguin libéré par le cœur en cas de stress.
Dr Federica Valente : « Il suffit d’une simple prise de sang. Ce test a une sensibilité de 99 %, ce qui signifie qu’il permet d’exclure avec une grande fiabilité une insuffisance cardiaque en cas de résultat normal. »
En soins primaires, ce test améliore de 30 % la précision des diagnostics et évite jusqu’à 25 % de consultations spécialisées inutiles. Et pourtant, en Belgique, ce test, recommandé depuis des années par les sociétés savantes européennes, n’est toujours pas remboursé.
Prof. Jean-Luc Vachiery : « Nous sommes l’un des derniers pays d’Europe à ne pas rembourser un test aussi fondamental. Il coûte à peine vingt euros, un montant dérisoire au regard des économies qu’il permettrait sur les hospitalisations évitables. »

Une journée de dépistage de l'insuffisance cardiaque pour alerter et agir
Ce 14 mai, les équipes de la Clinique d’Hypertension Pulmonaire et de l’Insuffisance Cardiaque de l’Hôpital Erasme H.U.B ont organisé une journée de dépistage gratuit. Au programme : information, entretien avec des spécialistes, test rapide NT-proBNP, orientation vers des examens spécialisés (ECG, échographie) si nécessaire, et sensibilisation du grand public.
Prof. Ana Roussoulières : « L’objectif était d’aller vers une médecine proactive, qui détecte les individus à risque avant que les symptômes ne deviennent graves. »
Ce dépistage s’adresse à toute personne désireuse d’en savoir plus sur sa santé cardiaque et, notamment, les personnes qui présenteraient d’éventuels facteurs de risque cardiovasculaires (hypertension, diabète, antécédents familiaux, etc.).
Un appel aux autorités et aux professionnels
Les trois médecins lancent un message fort aux décideurs politiques : intégrer pleinement l’insuffisance cardiaque dans les priorités de santé publique.
Dr Federica Valente : « On ne peut pas continuer à laisser les soignants se battre seuls pour structurer des équipes, former des infirmiers spécialisés ou financer du télémonitoring. »
Côté médecins généralistes, le test NT-proBNP constitue une aide précieuse.
Prof. Jean-Luc Vachiery : « Ce n’est pas un test magique, mais c’est un excellent outil pour orienter les patients et poser rapidement un diagnostic. Encore faut-il y avoir accès en première ligne. »
Enfin, pour les patients, le message est résolument optimiste.
Prof. Ana Roussoulières : « L’insuffisance cardiaque n’est pas une fatalité. On dispose aujourd’hui de traitements efficaces. Il faut juste pouvoir agir à temps. »
Une prise en charge de l'insuffisance cardiaque qui évolue
La gestion de l’insuffisance cardiaque repose désormais sur une approche multidisciplinaire et intégrée, combinant cardiologues, généralistes, infirmiers, kinésithérapeutes, diététiciens et assistants sociaux.
Pour soutenir les professionnels, le Belgian Working Group on Heart Failure (BWGHF) a développé plusieurs initiatives, dont la plateforme “Trajet Insuffisance Cardiaque” , gratuite, visant à uniformiser les pratiques et améliorer la qualité des soins à l’échelle nationale.
Le 14 mai, l’occasion d’un simple test… qui peut changer des vies.
Références
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