La carence en iode : un problème facile à résoudre pour favoriser une bonne santé thyroïdienne
À l’occasion de la Journée Mondiale de la Thyroïde, le Dr Rodrigo Moreno-Reyes, Directeur de Clinique au sein du service de médecine nucléaire de l’H.U.B., souligne l’importance d’informer le public sur les solutions existantes pour préserver leur santé thyroïdienne. Lire l'interview.
À l’occasion de la Journée Mondiale de la Thyroïde, le Dr Rodrigo Moreno-Reyes, Chef de clinique au sein du service de médecine nucléaire de l’H.U.B., qui a contribué à un rapport de l’Organisation Mondiale de la Santé sur la carence en iode en Europe publié récemment, souligne l’importance d’informer le public sur les solutions existantes pour préserver leur santé thyroïdienne. Il rappelle également l’indispensable soutien des autorités fédérales et européennes pour permettre à chacun de recevoir quotidiennement les apports en iode requis par l’organisme.
Les enjeux des carences en iode
L’iode est un oligo-élément essentiel qui doit être apporté par l’alimentation. Sa fonction physiologique principale est d’être un composant des hormones thyroïdiennes thyroxine (T4) et triiodothyronine (T3). La carence en iode est due à un manque d’iode dans le sol et les eaux souterraines, ce qui entraîne une faible teneur en iode dans les aliments produits localement et dans l’eau potable.
« Historiquement, la carence en iode était répandue dans la plupart des régions d’Europe, en particulier dans les zones montagneuses, où la glaciation et les fortes précipitations ont entraîné un appauvrissement des sols en iode. Les caractéristiques géologiques du sol étant en grande partie non modifiables, le contrôle de cette carence doit faire l’objet d’un effort permanent. »

Carences en iode : la situation en Europe
Les premières indications de goitre (gonflement visible à la base du cou, causé par une augmentation du volume de la glande thyroïde) endémique dû à une carence en iode et de déficience intellectuelle grave pendant la grossesse (crétinisme) en Europe remontent à l’Empire romain et au Moyen Âge. Dans les régions les plus touchées, le goitre affectait jusqu’à 50 % des nouveau-nés et la quasi-totalité des écoliers ; les troubles de l’audition étaient fréquents et entre un enfant sur 10 et un sur 200 naissait avec une déficience intellectuelle sévère. Cette fréquence élevée a même donné naissance à l’expression « crétin des Alpes », passée dans le langage courant de plusieurs langues européennes.
« L’utilisation du sel iodé comme moyen de prévention de la carence en iode constitue une intervention de santé publique très efficace, mise en œuvre dans la majorité des pays européens avec des résultats remarquables. Il y a un siècle, une grande partie de la population souffrait de carence en iode. Grâce à l’iodation du sel, les troubles associés, comme le goitre endémique, l’hypothyroïdie et le crétinisme, autrefois très fréquents, ont aujourd’hui disparu. »
Cependant, la carence en iode, notamment sous sa forme légère, reste un problème répandu en Europe. Ses conséquences vont au-delà des effets potentiels sur le développement cérébral du fœtus : elle augmente le risque de goitre, de nodules thyroïdiens et d’hyperthyroïdie chez les adultes et les personnes âgées, avec un impact significatif sur la santé publique et l’économie.
Petit rappel
Cette maladie peut avoir plusieurs causes, dont une carence prolongée en iode qui favorise l’apparition de nodules hyperfonctionnels |

Une sensibilisation accrue aux besoins en iode est nécessaire
La carence en iode doit faire l’objet d’une sensibilisation accrue de la population ainsi que d’un suivi plus rigoureux de la part des autorités de santé.
Chez l’adulte, les besoins journaliers en iode sont d’environ 150 µg, et de 250 µg chez la femme enceinte ou allaitante. Or, notre alimentation ne couvre en moyenne que 50 % de ces besoins, d’où le besoin des suppléments en iode.
Le risque de carence en iode est plus élevé chez les femmes que chez les hommes. Elles sont aussi plus susceptibles de développer des maladies thyroïdiennes, en raison de :
- Régimes particuliers qu’elles peuvent suivre et qui diminuent l’apport journalier en iode ;
- Grossesses, au cours desquelles les besoins en iode augmentent pour satisfaire leurs besoins et ceux de leur bébé ;
Les conséquences de cette carence, légère mais chronique, touchent surtout les adultes et les personnes âgées, dont la thyroïde a été sollicitée pendant des décennies pour capter un iode trop peu présent dans l’alimentation. La situation est identique en Belgique.
D’où vient l’iode présent dans notre organisme ?
Nos apports en iode proviennent exclusivement de l’alimentation. Un régime alimentaire sain et équilibré couvre la plupart des besoins nutritionnels, mais ne fournit pas nécessairement suffisamment d’iode.
« Peu d’aliments contiennent une teneur en iode suffisante pour atteindre les 150 µg par jour. En Europe, les produits laitiers représentent environ 26 % des apports quotidiens en iode. »
Comment mesure-t-on la concentration d’iode dans l’organisme ?
Il n’existe pas de test individuel permettant de savoir si une personne est carencée en iode. Le statut nutritionnel en iode est évalué au niveau de la population, à partir de la médiane de la concentration d’iode urinaire.
« Pour améliorer cette évaluation, nous avons développé et validé une méthode (Eur Thyroid J. 2024 Nov 25;13) consistant à doser, sur papier filtre, la concentration d’une protéine propre au tissu thyroïdien : la thyroglobuline. Ce dosage est réalisé à partir des échantillons de sang prélevés chez les nouveau-nés pour le test de Guthrie. De nombreuses études ont démontré que la thyroglobuline est un biomarqueur très sensible aux variations d’apport en iode, en particulier chez les nouveau-nés. Nous finalisons actuellement, en collaboration avec le service de gynécologie de l’Hôpital Erasme-H.U.B. et grâce à l’inestimable soutien des sages-femmes, une étude portant sur les femmes enceintes et les nouveau-nés. Elle vise à comparer les valeurs de ce biomarqueur sanguin avec la concentration d’iode dans les urines chez la mère et le nouveau-né. Une étude européenne est également en cours. »

Les solutions pour pallier cette carence en iode
Pour combler l’écart entre les apports alimentaires et les besoins journaliers en iode, il est recommandé de remplacer le sel de table non iodé par du sel iodé. Ce dernier est disponible dans tous les supermarchés, mais il est essentiel de vérifier l’étiquetage pour s’assurer qu’il contient bien de l’iode. Il ne s’agit pas d’augmenter la consommation de sel, mais simplement de remplacer le sel habituel par du sel iodé.
Le sel de table ne représente qu’environ 10 % du sel que nous consommons. La majorité provient des aliments transformés, lesquels, en Europe, ne contiennent généralement pas de sel iodé, comme le confirment les données fournies par l’industrie agroalimentaire.
Le lait est également une excellente source d’iode, ce qui explique probablement pourquoi les enfants en Europe présentent un meilleur statut en iode que les adultes, qui consomment moins de produits laitiers.
Le rôle des autorités
Pour optimiser l’apport en iode de la population, il est indispensable que les autorités définissent un cadre clair quant à l’utilisation du sel iodé dans l’industrie agroalimentaire. L’objectif est d’augmenter le nombre de produits fabriqués avec du sel iodé.
« L’éducation et la formation des professionnels de la santé, des producteurs de sel, de l’industrie alimentaire, ainsi que l’information du public, sont essentielles pour améliorer les connaissances sur la nutrition iodée, les conséquences de la carence et l’importance de l’iode dans l’alimentation. »