Pair-aidant en pédopsychiatrie : quand l’expérience de l'ancien patient renforce l’accompagnement des soins
Carlos, en stage au sein de l'équipe du Centre de Pédopsychiatrie ZELIG, accompagne adolescents et jeunes adultes grâce à son propre parcours de rétablissement
Interview avec Carlos, stagiaire pair-aidant au Centre de Pédopsychiatrie ZELIG de l'Hôpital Universitaire de Bruxelles (H.U.B)
Erasme Medical Center - La pair-aidance, une approche encore en développement dans le domaine de la santé mentale, s'est peu à peu imposée comme un complément précieux au soin traditionnel. Carlos, actuellement en stage en tant que pair-aidant au Centre de Pédopsychiatrie ZELIG depuis janvier 2025 et jusqu'à avril 2025, nous partage son expérience enrichissante au sein de cette équipe.
Les jeunes patients, comme leurs proches, trouvent souvent rassurant de pouvoir dialoguer avec quelqu'un qui a traversé des expériences similaires
La pair-aidance : une approche humaine et complémentaire
Pour ceux qui ne sont pas familiers avec ce concept, pouvez-vous expliquer ce que représente la pair-aidance en santé mentale ?
Pour moi, la pair-aidance est un moyen de partager son propre vécu afin de soutenir ceux qui traversent une période difficile en santé mentale. L'idée est de montrer qu'il est possible de se rétablir, et d'offrir de l’espoir en témoignant de son parcours. Dans ce rôle, l’expérience personnelle devient un outil thérapeutique précieux. J'ai découvert ZELIG pendant ma formation en santé mentale à la Plateforme Bruxelloise pour la Santé Mentale (PBSM), où je suis en train de terminer une formation de pair-aidant. La première année de cette formation se concentre sur l'expertise du vécu, et la seconde année sur la pratique du rôle de pair-aidant, en abordant divers aspects comme les pathologies, l’éthique, la déontologie, et l’écoute active.
Les défis et la formation des pair-aidants
Quels sont les principaux défis rencontrés par les pair-aidants dans leur travail au quotidien ?
L'un des défis majeurs est de trouver sa juste place dans l'équipe. Il faut réussir à valoriser le savoir expérientiel face aux connaissances théoriques des soignants. Cela demande un travail intérieur pour me dire que mon vécu, en tant que pair-aidant, constitue une complémentarité aux savoirs académiques. C’est un changement de perspective qui doit s’opérer, et qui s’est déjà effectué à ZELIG, où il existe une ouverture à la dimension de l’expérience vécue. Un autre défi est d’assimiler la terminologie spécifique à la santé mentale et à la pédopsychiatrie, qui est parfois complexe et pleine d’acronymes.
Quels types de formation et de soutien sont offerts pour faire face à ces défis ?
La formation du pair-aidant commence par l'apprentissage de son propre parcours de rétablissement personnel. Ensuite, dans le cadre de ma professionnalisation à la PBSM, nous recevons des formations théoriques et des intervisions, où des moments de discussion avec des pairs-aidants et des formateurs permettent d’aborder les difficultés rencontrées dans la pratique. Ces intervisions, ainsi que le soutien de l’équipe de ZELIG, m’aident à m’adapter et à mieux comprendre les spécificités du travail en pédopsychiatrie.
Les bénéfices pour les patients et les soignants
Quel bénéfice, selon vous, la présence de pair-aidants peut-elle avoir sur la prise en charge des adolescents et jeunes adultes confrontés à des symptômes psychotiques émergents, et plus particulièrement dans le dispositif ZELIG ?
La présence d'un pair-aidant à ZELIG renforce la dimension humaine du parcours de soin. Cela permet d’ajouter une approche complémentaire aux soins traditionnels, en créant un espace de partage et d'écoute. Les jeunes patients, comme leurs proches, trouvent souvent rassurant de pouvoir dialoguer avec quelqu'un qui a traversé des expériences similaires. Cela crée un climat de confiance, essentiel pour favoriser le rétablissement.
Quelles sont les réactions des jeunes et de leurs proches face à l’accompagnement d’un pair-aidant ?
Les retours des jeunes et de leurs familles sont globalement positifs. Lors des entretiens et des séances de psychoéducation, ma présence est souvent sollicitée, particulièrement sur des questions liées à l’espoir et au rétablissement. Les proches des patients semblent apprécier la perspective d'un vécu personnel partagé, ce qui facilite la compréhension de ce que traversent leurs enfants ou proches.
Avez-vous des expériences à partager ?
Je me souviens particulièrement d'un échange avec un père d’un patient. Il m’a demandé comment j’avais changé et ce qui avait été déterminant dans mon parcours. Je lui ai expliqué qu’il y avait eu un moment clé où j'ai compris que mon rétablissement dépendait de ma propre volonté de changer certaines habitudes de vie. C’est un témoignage puissant, car il montre que la prise de conscience personnelle est un tournant majeur dans le processus de guérison.
La pair-aidance dans le cadre de l’Hôpital Erasme
Le système de santé bruxellois est-il bien équipé pour intégrer la pair-aidance dans les parcours de soin ? Quels souhaits auriez-vous pour encourager cette approche ?
Le centre ZELIG fait partie des institutions pionnières en Belgique, intégrant la pair-aidance dans son approche thérapeutique. Il y a une réelle volonté de la part de l’HUB et de ZELIG de promouvoir cette pratique. Cependant, il reste encore du travail à faire pour sensibiliser tous les niveaux de l’institution. Créer des moments d’échanges informels entre les soignants et les pairs-aidants pourrait permettre de mieux comprendre l’impact positif de cette approche, et faciliter l’intégration des pairs aidants dans les équipes soignantes.
Quels changements pourraient être apportés pour améliorer son développement au sein de l’HUB?
Il serait crucial d’établir un statut officiel pour les pairs aidants au sein des institutions de santé, en particulier dans le réseau de l’HUB. Cela permettrait de valoriser cette fonction et d’en assurer la pérennité. De plus, il est important de continuer à sensibiliser les décideurs et à démontrer les bénéfices d’une approche qui va au-delà des simples considérations budgétaires. La pair-aidance apporte une réelle valeur ajoutée au processus de soin, notamment sur le plan humain.
L'avenir de la pair-aidance en santé mentale
Comment projetez-vous l’évolution de la fonction de pair-aidant ?
L’évolution de cette fonction sera probablement graduelle. Bien que la pair-aidance soit encore une pratique émergente, de plus en plus de professionnels de la santé reconnaissent son potentiel. Cependant, certains peuvent encore avoir des réserves, notamment en raison de préoccupations éthiques liées à l’accès aux données médicales des patients. Il s’agit d’un processus de longue haleine qui nécessitera un changement de mentalité et de pratiques dans les institutions, mais je suis optimiste quant à son avenir.
Comment s'impliquer et en apprendre davantage sur la pair-aidance ?
Pour en savoir plus sur la pair-aidance, il existe des formations dispensées par la PBSM et dans d’autres institutions en Belgique. Des informations sont également disponibles en ligne, notamment sur le site de la PBSM. Enfin, l’exemple de ZELIG montre qu’il est possible de s’impliquer concrètement. La pair-aidance ne doit pas être perçue comme un coût supplémentaire, mais plutôt comme un investissement dans le bien-être des patients et dans la qualité des soins.